Le Bal vu par Clothilde
Depuis des mois confinées, les Folles tentent de s’évanouir dans les fenêtres de leurs ordinateurs.
En l’absence de la fête elles s’organisent pour se faire belles chez elles et faire Bal ailleurs.

L’URL se présente alors comme une alternative au club.
Les chambres deviennent des dancefloors, on se maquille pour l’occasion, certaines sortiront leurs tenues les plus osées
- puisqu’elles sont seules chez elles.
Leurs fêtes se performent autrement, muettes et sans peur : elles montrent leurs fesses et hurlent dans le tchat.

Elles retrouvent leur paysage nocturne, mais très vite le contact des autres viendra à manquer.
Seule, la Folle s’éteint.
Le Bal des Folles est un événement nécessaire et politique
- mais quand le prochain aura-t’il lieu ?



1/ Toute fête se nourrit d’une préparation.
Elle se fantasme, elle prend place sur l’agenda, elle promet de trouer l’habitude et de transgresser la nuit.

Les retrouvailles furent fixées au Vendredi 22 Mai, dans des circonstances particulières.
---- Du fait de la pandémie, les clubs n’accueilleront plus les Folles jusqu’à nouvel ordre. Il faut alors trouver un lieu et accepter un rapport domestiqué à l’espace.
---- Contrôler le volume sonore.
---- Ne rien casser et retirer ses chaussures à l’entrée.
---- La jauge d’accueil des Folles sera considérablement revue à la baisse. Écartées de la foule, il faudra qu’elles fassent corps ensemble autrement.
Une fête hybride est alors proposé par la Frivole de Nuit (qui déjà hébergeait les Folles solitaires les semaines précédant le Bal). Le corps de la fête sera divisé entre plusieurs villes, plusieurs appartements, plusieurs chambres et plusieurs webcams. Il se recomposera sur Zoom, un logiciel bureaucratique, dont les usages diurnes furent détournés par les Folles pour faire la fête.

Sur leurs écrans s’afficheront : le tchat, une vidéo mise à la une (qui parfois ce sera la leur), ainsi qu’une mosaïque de toutes les autres personnes présentes URL.

2/ Occuper l’espace c’est matérialiser l’importance qu’on s’accorde.

Le jour nos Folles sont invisibles, restreintes par l’hétéronormativité - alors la fête endosse le rôle politique de la libération des Folles.
Elles vivent pour et sur le dancefloor, parmi leurs semblables.
Elles performent leurs identités, elles rient, gesticulent, prennent de la place, s’embrassent, crient, se dénudent, s'enivrent et se droguent de tout.

Les Folles savent que la fête n’est pas gagnée d’avance et qu’elle doit faire l’objet d’une curation.
N’est pas party-partner qui veut.
Pour les organisateur.ice.s du Bal il faudra faire des choix, plus ou moins radicaux pour composer un paysage de fête qui mettra les Folles en confiance, pour leur donner un espace safe à occuper.

3/ Il est temps de sortir les Folles et déguisements du placard.

C’est le Jour-J et les Folles n’arrivent pas en grande pompe puisqu’il fait encore jour dehors.
Une d’entre elle est venue avec des sacs pleins à craquer de déguisements. Ils seront vite éparpillés dans l’appartement qui pour cette fois fera office de club.

On se cherche, on revêt une jupe en chapeau, on multiplie les couches et les accessoires.
Chaque Folle personnalise sa tenue à l’aide de ce qu’elle trouve : des cordes, des foulards, des lunettes, un strap-on.
Elles se maquilleront n’importe comment avec des pinceaux inadaptés, les coulisses seront lieux de retrouvailles et d’impatience avant la fête.

Durant la nuit on constatera combien se déguiser aura permit aux Folles de revêtir leurs alias les plus farouches. Combien une tenue et un visage gribouillé leur fera performer des identités que seule la fête tolère.

Progressivement on envisagera des manières de révéler la peau. Les vêtements seront abandonnés ou noués plus courts.


4/ Hybrider URL / IRL permet aux Folles de pleinement prendre part à la fête.

L’heure du rendez-vous avec la Frivole de Nuit arrive enfin, il est temps pour les Folles d’allumer les webcams pour retrouver les leurs.

Nos Folles ont prévu un dispositif de caméras placées à plusieurs endroits de l’appartement : la cuisine/fumoir virtuel, la chambre/vestiaire, le plafond, l’intérieur du four qui donne sur le dancefloor, ainsi que plusieurs vues de la scène principale.

Les vidéos mises à la une (affichées en grand sur tous les écrans de tout.e.s les participant.e.s) auront un impact immédiat sur la chorégraphie du Bal des Folles.
Que ce soit leurs congénères mis.e en avant, ou bien elles-mêmes, chaque changement de caméra déchainera les Folles.
— Voyeuses, elles regarderont chez les autres avec attention.
— Loveuses, elles encourageront celles.ux qui s’afficheront à l’écran, hurlant bien qu’il ne soit pas possible de les entendre.
— Exhibitionistes, elles se dirigeront en essaim vers la caméra pour s’offrir en show.

On redoublera d’inventivité pour être mis.e à la une. Des caméras seront embarquées dans les décolletés et la salle de bain pour crever l’écran. L’écran sera crevé.


Irruptions
Orgie XCX
Glousseuses
After
5/ Il est 5h30 du matin.
Les Folles rentrent chez elles la fête pleine.


Avant de partir elles ramassent cadavres de bouteilles, perles et vêtements éparpillés.
En regagnant leurs habits diurnes elles s'enlacent et se remercient d'avoir été là, d'avoir permit de faire événement ensemble dans la nuit.

On ressassera étapes et détails de la fête sur les groupes de discussions. Aux absentes, elles promettront qu'il y en aura d'autres car bien qu'elles ignorent la date du prochain Bal, tant que les Folles le seront, faire la fête aura du sens.
Le Bal vu par Xavier
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